Comprendre par les jeux de rôle…
Ce post fait partie du parcours Rando-LCA. À partir de problèmes cliniques concrets, il est proposé de découvrir et d’apprendre facilement toutes les connaissances nécessaires pour analyser de manière pertinente un article médical. Ne vous endormez plus devant vos cours de lecture critique d’article, explorer-les !
Nous vous proposons aujourd’hui de vous mettre dans la peau d’un médecin qui décide de lancer une étude clinique. L’objectif de ce jeu de rôle est de comprendre l’enjeu d’une randomisation de qualité pour la validité scientifique d’un essai clinique.
Un(e) jeune cardiologue motivé(e)…
Vous êtes une/un jeune attaché(e) de 34 ans dans un service de cardiologie de renom. Passionné(e) par votre métier, vous passez vos journées àl’hôpital entre salle de cardiologie interventionnelle le matin et consultation l’après-midi. Vous soignez votre indépendance en refusant les offres alléchantes de laboratoire pharmaceutique et vous avez réussi jusque là à éviter tous les conflits d’intérêts.
Un jour vous décidez de mener une étude clinique sur les patients atteints d’infarctus du myocarde de petite taille vus dans les deux premières heures suivants le début des symptômes. Vous avez à disposition deux types de traitement : soit le patient reçoit un médicament par voie intra-veineuse permettant de dissoudre le caillot ou bien le patient bénéficie d’une coronarographie en urgence en cardiologie interventionnelle. Votre hypothèse, basée sur une revue soigneuse de la littérature et votre expérience dans le service, est que le traitement par coronarographie est plus efficace au traitement médicamenteux.
Vous décidez d’organiser une étude expérimentale. Chaque patient se présentant avec ce type d’infarctus dans votre service recevra ou bien le traitement médicamenteux ou bien bénéficiera d’une coronarographie. Vous obtenez l’autorisation de l’ANSM, du comité de protection des personnes et du comité d’éthique de votre hôpital et débutez votre étude.
Le premier patient qui se présente à vous est un jeune diabétique de 45 ans. Il a tous les critères pour participer à votre étude. L’infirmière chargée de l’investigation clinique dans votre service entre dans la chambre du patient alors que vous finissez de l’examiner. Elle va procéder à la randomisation du patient : ou bien il recevra le médicament ou bien il descendra avec vous pour faire sa coronarographie. Ce patient est jeune et vous êtes intimement convaincu qu’il sera bien mieux soigné s’il bénificie de la coronarographie. Si seulement, il était possible de savoir dans quel groupe de votre étude il sera inclus : si c’est dans celui de la coronarographie c’est bon vous l’incluerez dans l’étude, s’il doit recevoir le médicament vous préférez ne pas l’inclure et lui faire la coronarographie sans qu’il reçoive le médicament. La décision de l’inclure dans l’étude ne dépendra alors plus des caractéristiques du patient mais de votre conviction personnelle.
C’est à ce moment précis que la randomisation aléatoire et l’assignation secrète du traitement ont un rôle fondamental pour que votre étude garde une validité scientifique : il ne faut pas que les investigateurs puissent prédire dans quel groupe le patient va être inclus. C’est à dire qu’il faut garantir l’assignation secrète.
Pour cela, le meilleur moyen est de procéder à une randomisation centralisée. L’infirmière de recherche remplit les caractéristiques du patient sur un site web dédié pour l’étude ou téléphone à un serveur vocal et reçoit de manière aléatoire le groupe dans lequel il faut inclure le patient. Il est impossible de prédire dans quel groupe le patient sera inclus car l’allocation se fait de manière centralisé. Parfois, il n’est pas possible de mettre en place une randomisation centralisée car l’urgence de la situation nécessite une décision rapide. Dans ce cas, il est possible d’utiliser des enveloppes opaques et scellées numérotés. Si un patient est elligible à l’étude clinique l’enveloppe est ouverte et le médecin connaît immédiatement le groupe dans lequel il doit inclure le patient et quel médicament il doit donner. L’enveloppe doit être opaque pour ne pas regarder à travers, sceller pour ne pas l’ouvrir et la refermer si le groupe dans lequel est inclus le patient ne convient pas. Numérotée pour s’assurer que le médecin n’ouvre pas plusieurs enveloppes jusqu’à ce que le patient soit inclus dans le groupe que l’investigateur préfère.
Dans une étude, l’assignation secrète doit toujours être respectée avant l’inclusion des patients. Après leur inclusion, il est possible de conserver secret le groupe de randomisation grâce au double aveugle. Dans le cas présenté ici, il n’était pas possible de mener l’étude en double aveugle car le patient bénéficiait ou bien d’un médicament ou bien d’une coronarographie.
Désormais, chaque fois que vous lirez un article présentant les résultats d’une étude expérimentale, mettez-vous dans la peau de ce jeune attaché quand vous analysez la partie méthode de l’article. Si l’assignation secrète du groupe de traitement des patients n’est pas garantie par une randomisation centralisée ou par des enveloppes opaques numérotées doutez immédiatement de la qualité de l’étude. Un médecin intimement convaincu de l’intérêt d’un traitement ou payé par un laboratoire peut avoir saboté les résultats…
Courage et persévérance
Vous êtes les meilleurs.