Je fis ma première garde en soins intensifs le premier jour de ma cinquième année. Ce soir-là, je pris l’ascenseur spéciale qui me menait au service de réanimation avec une impatience puérile. J’allais faire une garde en réa : le service le plus exigeant de l’hôpital. A mon tour, je passerai la nuit auprès des malades les plus graves. Tentant de veiller sur ces vies en équilibre en gardant l’œil ouvert sur leurs paramètres vitaux et en recopiant avec application les résultats de leurs prises de sang sur leur pancarte à l’entrée des chambres.
En réalité, à cette impatience se mêlait une grande appréhension. Je me sentais mal préparé à cette rencontre avec des patients aussi complexes à la porte de la mort. Je n’avais que de maigres connaissances d’étudiants en début de cinquième année. Je m’étais pourtant penché consciencieusement sur mes livres mais sans jamais y découvrir les enseignements dont j’avais besoin. J’avais besoin d’être initié. Quelqu’un devait me transmettre les trucs qu’il faut maîtriser pour passer la nuit dans un tel service.
Quand j’entrais dans l’unité, la jeune chef de clinique me sourit.
« C’est ta première garde en réa c’est cela ? Ne t’inquiète pas, cela va bien se passer. »
Elle répandait la confiance en elle comme une lampe répand la lumière dans une pièce. Cette chef qui devait quelques heures plus tard gérer simultanément trois patients en état de choc souriait tranquillement accoudée sur le chariot remplit de dossiers. Elle me fit asseoir et me dit « ici nous avons des patients très complexes, leurs cœurs, leurs poumons leurs reins, et même parfois leurs cerveaux sont dans un état critique. Cela n’a pas l’air facile. Pourtant, c’est avec des notions simples que l’on peut les sauver.» Elle prit alors une feuille et un stylo et se mit à m’expliquer les principes fondamentaux de la réanimation. Elle chercha à me faire comprendre quelques notions de physiopathologie concernant les états de choc. Mais elle ne m’enseignait pas les états de choc comme on avait pu le faire dans les amphis de la fac elle faisait des états de choc mes amis. Elle ne me parlait pas de SvO2 ni de résistance vasculaire ni de débit cardiaque. Elle me donnait les clés pour comprendre à partir d’éléments logiques et de situations pratiques les états de choc. Elle me fit noter une équation sur mon petit carnet dans la poche de ma blouse. Mais ce n’était plus l’une des équations arides du livre de réanimation : elle prenait sens devenant une arme que je pourrais dégainer au moment critique. Elle me fit entrer dans la chambre d’un patient et me montra comment en trois coups d’œil elle se faisait une idée d’un patient ; m’indiquant quels résultats devaient me rendre méfiant, lesquels au contraire devaient me rassurer. L’item état de choc se transformait peu à peu. Ce n’était plus un bloc de texte stérile dans un épais livre rouge à la couverture anxiogène mais des exemples pratiques, des patients réels, des histoires de malades qu’elle avait rencontrés.

Je compris grâce à cette demi-heure de cours que la médecine ne pouvait s’apprendre que dans les livres, elle se transmettait de bouche de médecin à oreille de médecin. Malheureusement, je suis incapable ici de reproduire en détail le contenu exact de ce cours, je ne peux que partager avec vous deux conseils :
- Posez un maximum de question à vos chefs et à vos internes. Demandez-leur avant tout comment ils réfléchissent face à un malade. Essayer surtout de leur faire formuler les hypothèses cliniques qu’ils évoquent face à tel ou tel patient, quels paramètres ils regardent en priorité sur la prise de sang… Cela vous permettra d’acquérir beaucoup plus facilement et rapidement le raisonnement clinique face à un patient. Un raisonnement clinique précis fait automatiquement monter les notes de ses DPs.
- Donnez vie à vos livres. Essayez d’illustrer chaque item avec des cas cliniques concrets que vous avez rencontré en stage, sur SIDES ou dans des livres de cas…

En bonus pour bien comprendre la physiopathologie je vous recommande les vidéos de ce site https://armandoh.org/subjects/emergency/ (en anglais sous-titré) qui m’avaient énormément aidées en quatrième année.
Vous avez connus des chefs ou des internes extraordinairement pédagogues ? Partagez votre histoire dans les commentaires…
Pour ne pas manquer nos articles suivez notre page : facebook.com/randoecni1